exorcisme

Publié le par Vik

Il y a quelques mois, ma meilleure amie est venue me rendre visite. 

Elle a vécu sa grossesse un an après mois, et nous vivons depuis à peu près dans les même conditions : seules avec mari et enfant, complètement isolées de nos familles. Elle s'en sort infiniment mieux que moi, ou du moins est-ce l'impression qu'elle me donne. Alors dès qu'elle me donne un conseil, je me jette dessus et essaie de transformer l'essai le plus rapidement possible. 

 

Et voilà sa petite perle du mois de mai : "après avoir vu le film "Un heureux évènement", j'ai compris que toute femme qui accouche doit faire son exorcisme."    Tada !

Sincèrement, je n'y ai RIEN compris. En plus, elle s'est acharnée, pendant des jours et des jours, des discussions et des discussions : je dois faire mon exorcisme. 

 

Et puis j'ai enfin eu l'occasion de voir le fameux film, issu du roman éponyme d'Eliette Abecassis.

L'Homme et moi l'avons regardé avec beaucoup d'émotion, nous remémorant les moments heureux et moins heureux que nous avons traversé depuis l'annonce de ma grossesse il y a déjà 3 ans. 

Au détour d'une petite remarque apparemment sans importance, je comprends enfin en quoi consiste ce fameux exorcisme.

 

Il se trouve que jamais ces 3 dernières années, l'Homme et moi n'avons pu comparer notre ressenti face à tout ce qui s'est passé : grossesse, accouchement, premiers mois, et puis ma dépression (soit dit en passant, le film n'aborde pas du tout la dépression, il est plutôt centré sur les problèmes de couple qui viennent inévitablement après une naissance). 

En fait, en verbalisant ENFIN des sentiments que je n'avais même pas conscience d'avoir ressentis à l'époque, il y a eu un déclic. 

 

J'y ai beaucoup réfléchit depuis, pour être sûre d'avoir compris ce qui s'est passé dans ma tête, et pour pouvoir l'expliquer.

 

On dit fréquemment qu'il y a 2 bébés qui se développent dans le corps de la mère au cours de la grossesse. Le bébé physique et réel, qui va naître au cours de l'accouchement, grandir et développer son caractère propre, échappant à tout contrôle extérieur. Et puis il y a le bébé idéalisé, celui dont la maman rêve depuis sa plus tendre enfance, celui avec lequel elle se projette dans l'avenir, celui qu'elle se fabrique en fait, et qui n'a évidemment AUCUN rapport avec ce qu'est la réalité de la vie avec un bébé. Au fil de la grossesse, ce bébé imaginaire grandi également, emmagasinant au fur et à mesure les sentiments confus et parfois contradictoires que la maman vivra. 

 

Après vient la naissance. Crevette est sorti, mais pas son double.

Et le double, lui, a continué à grandir en moi, accumulant la fatigue, la nervosité, les angoisses en tous genres, la colère, la tristesse. Il ne m'a pas permit d'oublier, il est resté là à me renvoyer sans arrêt des sentiments qui normalement auraient dû passer. Alors je n'ai pas réussi à faire le deuil de la personne que j'étais pour pouvoir me reconstruire sereinement en tant que la mère que j'étais devenue. 

Je suis restée coincée dans une espèce de statu quo malsain, causé par l'élan de survie du petit double qui ne voulait surtout pas disparaître. J'étais complètement submergée par des sentiments négatifs que je ne gérais pas, et qui n'avaient pas vraiment d'origine précise. Le petit double continuait à grandir, grâce à la culpabilité, la violence, m'entrainant vers les envies de suicide. 

 

Heureusement, la thérapie m'a beaucoup aidée à endiguer ces sentiments négatifs et à reconstruire ma vie qui se délitait de plus en plus. Mais après 18 mois de travail sur moi, le petit double est toujours là, caché dans un coin. Il est beaucoup moins envahissant, mais il est toujours présent, et attend la moindre opportunité pour ressortir : un coup de stress et je panique complètement. Pendant longtemps j'ai été parfaitement incapable de gérer n'importe quel contre-plan qui pouvait intervenir dans mes habitudes. J'en étais à un point tel que je commençais à développer des TOC au quotidien. Et je ne parle même pas de ma peur phobique de retomber enceinte. 

 

Le voilà donc le fameux exorcisme ! Il faut que je réussisse à "accoucher" de mon petit double de bébé. Eliette Abecassis l'a fait en écrivant son roman. Mon amie l'a fait en lisant ce roman. Moi... si je trouve une formule magique, je ne manquerai pas d'en faire une note.

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